La philosophie comme rhétorique marketing : Dove Beauty Sketches

Il y a quelques semaines, je suis tombée sur le numéro anniversaire du magazine ELLE paru en 1975 et j'ai été frappée par la façon dont la beauté est présentée, révélant à quel point l'image de la femme a évolué. C'est dans cette perspective que j'aimerais évoquer la campagne de Dove parue en 2013 intitulée « Dove beauty sketches » et y apporter un regard littéraire et philosophique.="Dove Beauty Sketches" : quand la philosophie devient une rhétorique marketing

Autour d’une expérience vécue par des femmes, la marque développe une nouvelle définition de la beauté grâce à la mise en scène de l’intimité des femmes. Alors qu’aujourd’hui, la tendance est à l’exhibition du corps féminin, ici, la Beauté n’est plus l’expérience du partage mais celle de l’introspection. Il ne s’agit plus de convaincre autrui de sa beauté, mais de se convaincre soi.

Donc, la Beauté est à la fois un argument marketing et un enseignement philosophique.

Un portraitiste y réalise à l’aveugle les portraits de plusieurs femmes à partir de leurs propres descriptions. Puis il les dessine de nouveau, en s’appuyant cette fois sur les propos de personnes extérieures. De fait, le spectateur vit l’expérience de la Beauté et le commercial s’efface au profit d’un enjeu personnel et intime : à l’aide d’une rhétorique corporelle rythmée de silences, d’étonnement et d’admiration, les femmes découvrent l’écart entre le regard qu’elles portent sur elles-mêmes et celui que portent les autres sur elles. Et ce contraste, on le vit avec elle en fait. Le charme s’opère grâce à une harmonie entre la balance de gris et de blancs et le rythme lent de la vidéo, propices à l’expression des sentiments. On devient alors le témoin de cette sorte de réminiscence au cours de laquelle ces femmes se voient telles qu’elles sont.

En effet, l’individu est invité à une réflexion philosophique autour du sentiment de la Beauté. C’est un principal moral, mais c’est aussi un phénomène intime et subjectif. La vidéo montre donc qu’il n’y a pas de Beauté idéale. La Beauté n’est plus un « corps » photographié sur les réseaux sociaux pour le body positive, mais un moi tout entier que j’aime. Ainsi, par la représentation de sentiments authentiques, la marque Dove se fait agent social et culturel. Elle protège le consommateur d’une pression sociale anxiogène. C’est donc cette dynamique qui oscille entre une invitation à la réflexion intime et une publicité qui donne à cette campagne toute sa valeur esthétique et éthique.

Je vous invite donc à regarder cette publicité comme s'il s'agissait d'un récit initiatique pour apprendre à s'apprécier. Dove se fait presque purgateur des passions ... Et vous ?